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19 février 2014 3 19 /02 /février /2014 10:19

Et la femme créa le semi

 

Quel drôle de lieu !

Ici, on lave plus blanc que blanc !
D'ailleurs, qu’est-ce que je fous là ? Que m'est-il arrivé ?
Jamais vu d’endroit si impersonnel, si neutre.

 

Une voix féminine interrompit soudain ses pensées

 

Tiens, se dit-il, ce timbre ressemble à celui de la célèbre député Christine Boutentrin

 

Cette sportive de la première heure avait milité, entre autre, avec le mouvement des mamellen pour le droit des femmes à courir seins nus et pour que les équipes du célèbre relais des familles soient constituées exclusivement d'un papa, d'une maman, d'une petite fille et d'un petit garçon. 

Son coup d'éclat lors de la remontée du boulevard de la République avec plusieurs de ses collègues, particulièrement bien pourvues, habillées en Marianne, un sein dénudé à l'image du tableau de Delacroix "La liberté guidant le peuple", avait enthousiasmé les députés masculins majoritaires à l'assemblée nationale où la parité officiellement souhaitée n'est toujours pas de mise. Il est à remarquer que la première de ses propositions a été votée à l'unanimité des représentants mâles du peuple , toutes parties confondues.  


- Bonjour Philippe, racontez-nous d'abord ce qui s'est passé avant que vous vous trouviez ici.

 

- Qui êtes-vous ?
Pourquoi ne vous montrez-vous pas ?
 
- Ecoutez mon enfant, nous savons que dans l'exercice de votre fichu métier, vous avez posé des questions toute votre vie, mais ici, c'est nous qui posons les questions.  
Chacun son ciel et les âmes seront bien gardées.

 
- Si je refuse de répondre ?
 
- Vous en avez le droit.

Nous attendrons simplement que vous soyez prêt...

Le temps risque de vous sembler long.

Une éternité si je puis me permettre.

Ici bas, vous vous plaignez souvent que le temps passe vite alors une éternité à attendre ça fait réfléchir non ?

Sans compter que vous pouvez compromettre un éventuel retour qui ne pourrait être, vous le comprendrez bien, que temporel.

 

- Laissez-moi au moins reprendre mes esprits.


- Reprenez, reprenez, nous prenons soin de l'esprit à la lettre. Nous tiendrons compte de vos états d'âme.

 

....
 
- Voilà… ça me revient… les choses ont débuté ainsi.
J’avais une oreillette, oui une oreillette et j’ai entendu ceci :


- "À tous les coureurs, 
- à tous les coureurs,

- restez vigilants.
- Je répète, restez vigilants. 
- N’essayez pas d’épater vos copains ou vos femmes par un temps canon. 
- Je vous rappelle les consignes : votre mission consiste à surveiller.

- Rien n'est censé vous échapper.
- Les informations sont vagues mais il y a une forte crainte d’attentat.
- On ne vous fait pas courir pour briller.
- Restez discrets, respectez vos temps de passage et scrutez méthodiquement tout individu évoluant dans votre secteur de course.
- Quelles que soient les personnes : spectateurs, concurrents ou autres, signalez toute proéminence suspecte, au niveau de la taille particulièrement".


- C’est dingue comme ça me revient précisément !
Alors je me suis dit :
saletés d’oreillettes, elles crachouillent. J’espère que l’on ne va pas avoir à subir leurs recommandations durant toute la course ! 
Me font marrer. Respectez vos temps de passage ! 
Sous prétexte que je me défendais bien quand j’étais jeune et qu’ils avaient besoin d’un effectif conséquent, ils m’ont réquisitionné pour cette mission alors que je n’étais pas volontaire. Je ne sais même plus évaluer une cadence !
Et puis suer sous un gilet pare-balles, même allégé, avec au-dessus une veste de survêtement pour le camoufler, c’était nous infliger le fardeau du soldat athénien, non du soldat marathon ! Où allait-il déjà, à Sparte ? Oh, je ne sais plus. Enfin vous en conviendrez, cette mission ne s'avérait pas commode …

 
- Par contre je me rappelle qu’il s’appelait Philippides.
Moi, je me prénomme Philippe! Curieuse coïncidence, vous ne trouvez pas ?

 

- De qui parlez-vous ? 
 
Du soldat Marathon pardi.

Que n'ai-je vécu à son époque ! Lui a combattu avant d’informer, nous, on doit informer avant d'éventuellement combattre !
Et pourquoi pas une menace d’attentat pour un dîner au Fouquet’s en plein milieu de la confrérie des mangeurs d’escargots. Au moins, on aurait pu se permettre quelques bavures !

 

- En réalité le soldat qui parcourut la distance qui deviendra celle du marathon, nom du village d'où il était parti, pour annoncer la victoire de leurs troupes aux Athéniens ne s'appelait pas Philippides mais Euclée. Je vous rappelle d'autre part que vous surveillez le semi marathon de Paris et non la distance supérieure, vous comparer à Euclée vous mène au pêché d'orgueil.
 
- Saint Pierre donne moi Euclée !

 
- Allez, riez un peu ! 

Décidément, le mot humour doit être étranger à votre lexique.

ni les bavures d'escargot, ni le jeu de mot sur la clé ne vous amusent.
Enfin ... 

Bon, je reprends, j’errais là parmi les concurrents, un pistolet dans ma poche de survêt et un mini micro sur le torse pour communiquer en cas de besoin.
Rien de suspect. 
Quelques kenyans aux jambes effilées s’échauffaient comme des gazelles. 
Même à pleine vitesse, je n’aurais pas pu suivre leur galop de préparation à la course.
Avec leur torse beaucoup plus petit que leurs membres, on aurait dit des araignées d’eau sur un lac de bitume. 
Parmi cette foule pléthorique, tout à ma recherche visuelle d’individus douteux, j’en profitais pour respirer l’ambiance printanière de cet événement sportif parisien. J’appréciais l’excitation qui montait à l’approche du départ et m’attardais sur quelques croupes racées de juments fort bien pourvues par la nature.
 
J’espère que je ne vous choque pas mais un homme reste un homme.


 
- J'en conviens, je n’avais malheureusement rien d’un étalon. Eus-je été Apollon lui-même, qu’elles ne m’auraient point regardé tant elles étaient concentrées sur leur course imminente.
Toujours est-il que, pendant quelques instants, j’ai moins regretté d’avoir été choisi.
Moins on en dit, mieux on se porte. Si le chef n’avait pas su que je courrais correctement, il ne m’aurait pas couché sur sa fichue liste de volontaires désignés d’office.
Tiens c’est comme à l’armée, j’avais commis l’erreur de dévoiler mon deuxième prénom, Hercule. 
Ma mère adorait les romans d’Agatha Christie...
Vous pensez bien que les troufions ne m’ont pas raté. Pour eux, j’ai vite été le Poirot de service, celui qui avait droit aux corvées de chiotte plus souvent qu’à son tour sous prétexte que le nettoyage des écuries d'Augias faisait partie des douze travaux d’Hercule !
Pas qu’ils se délectaient dans le détail des événements historiques avant de me connaître, les bougres, mais avec un tel prénom, je m’étais intéressé à la mythologie grecque et avais commis l'erreur de leur en conter quelques passages durant les temps d‘ennui et Dieu sait s'ils pullulent quand on est pensionnaire de la grande muette !
 
- Pas de digressions intempestives et évitez de prétendre savoir ce que Dieu sait !
 
- Que voulez-vous dire ? Je ne prétends pas savoir ce que Dieu sait!
 
- Vous avez dit : Dieu sait s'ils pullulent.
 
Oh! Vous n’avez pas d’humour, vous êtes pitoyable. Il ne s’agit que d’une expression.
 
- Passez vous de ce genre d'expression religieusement incorrecte. Rentrez sur le droit chemin  qui mène à la vérité, nous reviendrons à Dieu plus tard. Reprenez le récit des événements.
 
- Vous en avez de bonnes, le droit chemin! Avez-vous déjà essayé de réaliser quatre minutes au kilomètre en slalomant entre une multitude de concurrents le départ donné? 
Épuisant, énervant, mais j’avais mon ballon à suivre. Il déterminait mon secteur à surveiller.
 
- Soyez plus explicite pour ce ballon.
 
- Pas un ballon de rouge, rassurez-vous, on a changé dans la police. 
Pour chaque temps à réaliser, il y a un guide, une personne expérimentée qui est munie d’un ballon que l’on aperçoit au dessus des têtes afin de respecter un tableau de marche régulier.
Mais pour moi, régulier ou pas, quatre minutes au kilo, c’était trop rapide. D’autant plus qu’il fallait que je surveille les gens qui courraient autour de moi.

Faut pas prendre les poulets de la nation pour des canards sauvages.
 
- Vous avez donc failli à votre mission.
 
- Hé là, tout doux l'amie, je me suis accroché. J'ai ma fierté et un sens du devoir très développé.
Vingt minutes vingt aux cinq kilomètres puis quarante minutes trente-trois aux dix, on ne peut pas dire que je m'situais trop loin de la zone de surveillance impartie.
 
- Je vous l'accorde. Que s'est-il passé ensuite ?
 
- Ensuite, j’ai rejoint Moïse vers le douzième kilomètre. L’Inspecteur Moïse Dieudonné, ça ne s'invente pas. On le surnomme Baraque parce que c’est un véritable athlète. Il était cuit. On l'avait chargé de la surveillance des « trois quarante-cinq ». Une contracture l’empêchait de fournir son rendement habituel. Quand je suis arrivé à sa hauteur, je lui ai dit:
- Alors Barak, you canes ? Elle est bonne, non?

 
- Ok ... Il m’a demandé de forcer l’allure pour le remplacer car l’attitude d’un coureur lui avait semblé un peu bizarre.
Le quidam, qui paraissait très nerveux depuis le départ lui avait coupé brutalement la route pour rejoindre un homme posté sur le côté avec un bidon. Quand celui-ci le lui avait tendu, il avait eu un peu de mal à le tenir à bout de bras. Il paraissait un peu lourd pour n’être rempli que de boisson. De surcroît les deux hommes qui avaient échangé deux mots ne parlaient pas français. 
 
- Qu'en avez-vous conclu ?
 
- Nous savions les sloves mécontents de la France en raison de la reconnaissance par celle-ci de l’indépendance du Kasaya.
Nous nous sommes dit qu’il pouvait s’agir de nationalistes sloves du général Sadic.
Alors malgré mes poumons qui me jouaient ramona et les muscles de mes jambes qui brûlaient, j’ai forcé l’allure. Le temps que Moïse me décrive le physique du quidam, il restait encore six kilomètres à parcourir.
 
- Pourquoi ne pas avoir d'ores et déjà donné l'alerte ?
 
- Ce n’était encore qu’une vague éventualité.
 
- N'était-ce pas plutôt dans l'espoir de réaliser une arrestation spectaculaire avec tous les avantages personnels qu'une exposition aux médias rapporte ?
 
- Toute peine mérite récompense ne pensez-vous pas ? 

Et puis à notre époque, qu'est-ce qui compte le plus, l’efficacité où la com?

 
- Les six kilomètres restants ?
 
- Un calvaire !

Pour rien dans un premier temps car je ne suis pas parvenu à le rattraper. 

Par contre quel ouf de soulagement une fois la ligne franchie ! 

Finalement le meilleur de la course à pied, c’est quand on s’arrête!
 
- Épargnez nous ces nouvelles considérations sur le sport. 

Et sur le reste aussi d'ailleurs...

L'individu ?
 
- Je l’ai aperçu en m’engageant entre les barrières où l’on nous canalisait. Je venais d’ôter la puce qu'on place sur la chaussure.
 
- La puce ? Vous parlez du parasite ?
 
- Vous n’y êtes pas, je parle de celle qui permet à la bande de champ magnétique placée sur la ligne d’arrivée de relever notre temps exact.
En me relevant, j’ai remarqué le suspect dans le couloir voisin, maillot noir, chauve comme Moïse me l’avait décrit et le bidon à la main.
 
- Avez-vous remarqué la féminine qui se trouvait devant vous dans votre couloir à ce moment là ?
 
- Non, pourquoi?
 
- Terminez, vous le saurez plus tard.
 
- Et bien il est sorti des barrières, je le vois très bien, il se dirigeait vers la tribune officielle.
Je l’ai sommé de s’arrêter, il s’est mis à courir.
Putain que j'me suis dit, faut remettre ça!
 
-Pas de vulgarité !
 
- Vulgarité ? ça n’est pas dans les mots qu’on la trouve le plus et puis j’ai le plus grand respect pour ces dames qui gagnent leur vie à la sueur de leur… de leur…
Enfin je me suis dit : faut que tu le chopes avant qu’il n’atteigne la tribune.
J’ai sprinté, je l’ai plaqué et…
Et là… là, j’ai un trou.
 
- On peut dire que vous en avez même eus plusieurs !
 
- Que voulez-vous dire ?
Pourquoi ce ton ? Vous vous moquez de moi ?

 

- Vous qui aimez l'humour, vous ne l'appréciez pas quand il est noir ?


- Rassurez-moi, vous ne voulez pas dire que…
 
- Si
 
- Mais alors je suis…
 
- Pas encore, dans le coma pour l'instant.
 
- Vous êtes médecin ?
 
- Pas vraiment. 

Etes-vous croyant Philippe ?
 
- Vous rigolez ? 

Je devrais employer un autre terme car excepté l'humour noir, j’ai pu constater que ça n’était pas votre fort. Avec ce que je vois quotidiennement dans mon travail, on ne peut qu’être sceptique sur l'existence d'un gentil créateur qui veille sur ses ouailles. 
sceptique comme la fosse !
Plaisanterie pour vous taquiner mais ne m’en veuillez pas, c’est nerveux, je n’en mène pas large.
Si vous pouviez m’éviter la fosse, je vous en serais très reconnaissant et tout disposé à revoir ma position sur l’existence de l'être suprême.
Mais qui êtes-vous enfin!
 
- La concurrente qui vous a précédé à l'arrivée. Je suis noire.

J'avais été envoyée sur terre pour inciter les hommes à se tourner vers d'autres valeurs que l’appât du gain et le profit.

En plaquant le terroriste vous avez provoqué l'explosion de la bombe qui était contenue dans le bidon.

Mon enveloppe charnelle a volé en éclat et la vôtre a sérieusement été endommagée.

Je n'ai pas eu le temps d'ébaucher mon travail de rédemptrice qui consistait, par un discours à la tribune de presse, interviewée par le journaliste de "La croix" subitement guidé par une inspiration divine, à sensibiliser la foule et découvrir ma venue au milieu des pêcheurs.

Ma mère et le Saint Esprit n'ont pas jugé bon, déjà échaudés par le traitement infligé à mon frère par les romains, de poursuivre ce nouvel essai.

Comme vous dites sur terre ce serait donner de la confiture aux cochons.

 

- Désolé pour l'explosion, j'ai cru bien faire.

 

- Je vous entends mon fils, l'enfer est pavé de bonnes intentions.

Afin de vous montrer que je ne vous en garde pas rancune, puisque l'Histoire veut qu'il y ait une résurrection, autant que ce soit la vôtre, je vous accorde un retour à la vie. "La pitoyable" va vous sortir du coma. 

 

- Oh, merci Sei… 
Euh ... Comment dit-on Seigneur au féminin?

 

Jean François JOLY

 

Note de l'auteur : toute ressemblance avec des seins, qu'ils aient ou non existé, ne serait que pure coïncidence.

 

Publié par Jean François JOLY - dans Contes à dormir coureur

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