Après une incursion dans les merveilles du monde sous-marin avec Bob et ses éponges, direction une météo plus clémente (aux yeux des normands au cœur de l'hiver).
Sur proposition pleine de fourberie d'un expatrié qui lance les invitations puis se désiste lâchement en prétextant une vague fracture de la clavicule (merci Jeff Joly), me voilà donc inscrit pour 42 km en la belle ville de Séville, loooooiiiiinnnnn de notre grisaille habituelle (et du cross de Belbeuf, désolé Jérôme...) et tout près de Gibraltar et de sa douceur méditerranéenne.
Quitte à faire un bout de chemin (en avion quand même !), autant rester quelques jours sur place avec ma Christine, qui a défaut d'avoir encore franchi dans sa tête le pas de s'inscrire à la distance reine, a en projet de faire un beau semi à Elbeuf. Elle s'entraine pour ça, vous êtes prévenus ! ;-)
Et donc, arrivée mardi soir sur place, ce qui laisse plusieurs jours pour sillonner de long en large la ville et s'adapter à un rythme de vie espagnol bien particulier, puisque les commerces terminent leur pause déjeuner à l'heure où les fonctionnaires français ont déjà chaussé les baskets pour aller courir après leur dure journée de travail.
Logiquement, les restaurants se remplissent eux aussi tard le soir, après 22h, ce qui permet aux français pantouflards de trouver sans problème une table libre aux horaires hexagonaux ...mais aussi de profiter jusque 3h du matin (et 6h le WE...) de l'impressionnant timbre de voix des espagnols qui, petits et grands, señor comme señoritas, ont la fête généreuse et tardive, surtout quand on a eu la bonne idée de louer un appartement près de l'Alameda de Hercules (une place animée en semaine, et grouillante de touristes et de fanfares folkloriques dès le vendredi soir).
Tout ceci n'étant pour l'instant pas très sportif, il est temps de passer au dimanche et aux choses sérieuses.
Ayant retrouvé sur place des amis d'Oissel et d'Elbeuf, logés à 2 pas, il faut se lever dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne et où les fêtards explicités susditement vont reposer leurs cordes vocales sous la couette.
Le temps de s'alimenter et de s'équiper, ce qui pour certains conduit à un accoutrement inhabituel mais très couleur locale, nous rejoignons la cohorte des 13000 coureurs (ah oui, quand même...) qui convergent vers le Stade Olympique, à 3 km de là, où sera donné le départ et où se jouera le sprint final pour ceux qui auront encore un peu de jus dans les veines.
Mais là, point n'est besoin de gants, coupe-vent et polaires, on peut voyager léger. 7 degrés au réveil, et près de 20 degrés en fin de calvaire, ça change du challenge Interseine ! Le pochon fourni par l'organisation contient même un peu de crème solaire ! :-)
Une fois mitraillé un peu souvent par les photographes officiels et les coureurs sur l'aire de départ (je ne comprends pas, je voyageais pourtant discret...), c'est le départ à 9h pile ...pour les kenyans et autres Elites ; pour les poireaux de fin de peloton, on attendra encore 4' pour atteindre le ligne de départ et le Top chrono.
Et c'est parti pour 42 km super en grande majorité dans les artères de la ville.
Parcours très plat, le plus plat d'Europe parait-il, et du monde partout sur les bords du tracé. L'occasion de vérifier que la corrida est populaire dans cette région de l'Espagne, et que se faire encourager (Hola to-re-ro ! Manolete ! Animo ! Olé !) donne des ailes.
L'occasion aussi de dépenser un peu trop d'énergie à soigner ma note artistique en mimant véroniques et postures cambrées du fier matador, et à user mon souffle à répondre dans mon espagnol de cuisine aux encouragements, même si no habla español et no comprendo rien du tout en fait...
Peut-être un peu trop d'ailleurs, puisque après 35 km bien dans mon rythme (objectif 3h45), j'ai connu le lot commun du coureur de marathon, le célèbre "mur", les forces qui tout à coup ne sont plus autant là, les jambes à qui il faut soudain expliquer comment elles doivent faire le boulot qu'elles faisaient toute seules jusque là.
Alors on rentre la tête dans les épaules, on fait taire les neurones qui veulent un peu trop donner leur avis désagréable, on chasse la tentation de marcher un peu (pour ne plus arriver à redémarrer ?... trop risqué), on met la musique un peu plus fort et on regarde avec envie les plus frais, ou plus raisonnables, vous dépasser petit à petit. Heureusement, il y a toujours plus malheureux, des qui marchent, des qui crampent, des qui claudiquent, bref des qui vous donnent l'illusion qu'on court encore bien.
Et après avoir abandonné quelques minutes dans le mini-chemin de croix, on voit se profiler le tant-attendu stade olympique, on espère que les organisateurs ne nous ont pas réservé une blagounette du genre "un tour de piste acheté, un tour offert", on pénètre dans le tunnel, on débouche dans la lumière de la piste (sans la clameur de la foule, faut pas rêver, les tribunes sont quasi vides...), on fait son mini-sprint de schtroumpf pour grappiller encore quelques places dans les 200 derniers mètres et enfin accrocher autour de son cou la médaille rituelle.
Un remerciement spécial pour Christine, qui n'a pas eu sa médaille. Pourtant, alors qu'elle aurait pu rester tranquillement au frais à ranger et nettoyer l'appartement et boucler les valises, elle a vaillamment fait pedibus des sauts de puce tout le long du parcours pour m'encourager et essayer de m'immortaliser, un coup au 8ème km, un coup au 15ème, un coup au 27ème, puis retour au stade juste à temps pour mon arrivée ; soit pas loin d'un semi-marathon mais sans dossard...
Au final, une course mais pas seulement ; une escapade dépaysante à l'étranger, l'occasion de découvrir sans temps morts une belle ville, parmi 13000 coureurs et une foule enthousiaste. 20' de gagnées par rapport au dernier Seine-Eure. Et qui sait, je vous aurai peut-être donné l'envie de goûter aux émotions de ce genre de course un peu inhabituelles.
En attendant Marseille-Cassis...
Philippe